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 ABECEDAIRE DE NOEL: A comme Aurore Boréale

   Comme promis, le calendrier de l'avent des contes a démarré en ce jour du 1er décembre. Voici le premier conte. Bonne lecture. 

ABECEDAIRE DE NOEL: A comme Aurore Boréale

Le feu crépite doucement dans la cheminée. Sa chaleur enveloppe la pièce comme un cocon, son parfum de bois brûlé flotte dans l'air. Des lueurs rouge orangé dansent au plafond tandis que, tout près des flammes, deux grosses bottes sèchent tranquillement.

Leur propriétaire est installé dans son fauteuil, vêtu d'un costume écarlate bordé de blanc cotonneux. Au centre de ce rouge flamboyant se déploie une longue barbe si blanche qu'on pourrait la confondre avec un nuage.

Ce drôle de bonhomme tient deux boules de Noël dans ses mains gantées. Une rouge dans la droite. Une blanche dans la gauche. Il les observe attentivement, les fait tourner l'une après l'autre, comme s'il attendait une réaction. Son regard s'attarde davantage sur la rouge, scrutant sa surface brillante avec une concentration inhabituelle.

C'est pourquoi il sursaute lorsque ce n'est pas celle-ci qui s'anime, mais la blanche. La boule tressaille violemment dans sa paume gauche et lui échappe. Il la rattrape de justesse, le cœur battant.

À l'intérieur de la sphère nacrée, quelque chose bouge. Une lueur verte commence à onduler, douce et mystérieuse, comme une danse silencieuse.

Une aurore boréale vient de naître dans le creux de sa main.

Stupéfait, le Père Noël rapproche la boule de son visage et ajuste ses lunettes pour mieux observer. Ce n'est pas possible. Comment une aurore boréale peut-elle apparaître à cet endroit du globe ? Cela n'a aucun sens. Et pourquoi dans la boule blanche ?

Il scrute l'intérieur de la sphère avec plus d'attention encore. Une scène se dessine peu à peu : Nathan, blotti contre ses parents, le regard levé vers le ciel. Tous trois admirent ensemble cette magie céleste, unique et merveilleuse.

Si la scène vue de l'extérieur peut paraître merveilleuse, elle inquiète profondément le Père Noël. Le point positif : Nathan est passé de la boule rouge à la boule blanche. De la liste des enfants espiègles à celle des enfants sages. Le point négatif : cette aurore boréale qui n'a rien à faire là. Comme si quelque chose - ou quelqu'un - s'était glissé où il ne devrait pas être.

Peut-être n'est-ce qu'une coïncidence ? Il saisit fébrilement d'autres boules alignées sur l'étagère. Son visage blêmit. Des dizaines d'aurores boréales ondulent dans les sphères blanches, là où elles ne devraient jamais apparaître. C'est encore plus grave qu'il ne le pensait.

Il rechausse précipitamment ses bottes et s'élance dans le couloir. Le tapis de moquette rouge étouffe ses pas pressés. Sur les murs, les tapisseries brodées semblent s'animer à son passage, leurs personnages le regardant courir, bouche bée.

Il grimpe quatre à quatre jusqu'au grenier et pousse la porte d'un coup sec. Son cœur se serre : plusieurs sacs gisent éventrés sur le sol. Vides. Les voies de vitesse aux particules célestes ont disparu. Ces précieuses aurores boréales étaient pourtant bien cachées dans ces sacs, à l'abri des regards indiscrets.

Qui pouvait être au courant de leur existence ? Et surtout, pourquoi les voler ?

Il remarque alors de petites traces de pas scintillantes sur le sol. Et soudain, il comprend. Les lutins farceurs !

Il existe plusieurs sortes de lutins au pays du Père Noël. Les lutins travailleurs programment et construisent les jouets avec application. Les lutins gourmands goûtent avec délice toutes les friandises de la Mère Noël pour s'assurer qu'elles sont dignes d'être envoyées aux enfants. Et puis, il y a les lutins farceurs. Ceux-là testent les jouets avec un enthousiasme débordant, leur faisant vivre tout ce qui est possible et imaginable. Plus ils font de farces, plus leur énergie grandit. Si elle n'est pas canalisée, cette énergie peut défoncer des murs ou provoquer des explosions. Lorsqu'ils se déplacent à toute vitesse, ils laissent derrière eux des traces scintillantes.

Autrefois, ces lutins étaient comme des esprits domestiques. Si on leur offrait un bol de lait chaud et qu'on présentait une chaussette sur la cheminée, ils restaient dociles et aidaient même aux tâches nocturnes pendant le sommeil de leurs hôtes. Mais les croyances se sont perdues. Aujourd'hui, les lutins se servent eux-mêmes : ils volent une chaussette par-ci, renversent le lait par-là en laissant la porte du frigo grande ouverte. Ils lacent les paires de chaussures entre elles pour faire trébucher leurs victimes et éclatent de rire devant leurs farces. Leur cible favorite ? Les jouets achetés trop tôt ou trop tard, ceux qui ont manqué la fenêtre magique de Noël. Ils s'amusent à les détraquer, à en vider toute la magie, ne laissant que du plastique froid et des mécanismes sans âme.

Avec cette magie volée, ils peuvent maintenant visiter des centaines de maisons à vitesse folle. Mais surtout, ils peuvent provoquer des chutes de neige aux endroits les plus insolites. Ils s'amusent à faire de la luge sur la Tour Eiffel, à skier en plein Manhattan, à dévaler les pyramides en snowboard au beau milieu du désert.

Les lutins farceurs vivent pour l'insolite, l'improbable, le chaos joyeux. Ils n'ont aucune conscience des conséquences de leurs actes. Seul compte l'instant présent.

Le Père Noël, lui, en a pleinement conscience. Comment arrêter cette catastrophe en devenir ? Peut-être que la seule solution serait de soigner le mal par le mal...

Une farce géante pour piéger les farceurs !

Le Père Noël se concentre et invoque une aurore boréale qu'il synchronise avec toutes celles qui ont été volées. Les particules célestes se connectent les unes aux autres, formant un réseau lumineux invisible. Puis, d'un geste précis, il les oriente toutes vers un même lieu : l'intérieur d'une boule à neige géante posée au centre de l'atelier.

Les lutins farceurs, attirés par cette concentration de magie, surgissent de partout. Ils plongent dans la boule avec des cris de joie. À l'intérieur, tout semble si vrai : la neige tombe en tourbillons épais, les flocons scintillent, le paysage s'étend à l'infini. Les lutins rient, glissent, construisent des bonshommes de neige délirants.

Le Père Noël murmure alors une formule apaisante. Les rires deviennent plus doux, les mouvements plus lents. La Mère Noël apparaît avec un plateau de bols fumants. Du lait chaud à la cannelle. Un à un, les lutins s'installent, boivent goulûment, bâillent. Leurs paupières s'alourdissent. Ils s'endorment enfin, blottis dans la fausse neige.

La magie agit. Les aurores boréales retournent dans leurs sacs. Le monde est sauvé. Et la magie de Noël aussi.

 

© Ninie Mayor 2025