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G comme Grimoire du Père Noël La promesse d'un père

 

Prologue : Les gants blancs

Dans une pièce sombre, éclairée seulement par la lueur tremblante d'une bougie, un homme tenait un livre entre ses mains. Ses gants blancs de magicien contrastaient avec le cuir ancien et craquelé de la couverture.

Le Grimoire du Père Noël.

Il l'avait cherché pendant des années. Dans des bibliothèques poussiéreuses. Dans des livres moldus sur la mythologie de Noël. Dans des ouvrages de magiciens qui en parlaient comme d'une plaisanterie... mais pas tout à fait.

Tous mentionnaient le même pouvoir : distordre l'Espace et le Temps.

L'homme ouvrit lentement le Grimoire. Ses yeux parcoururent les pages. Des formules magiques côtoyaient des équations scientifiques. La théorie de la relativité d'Einstein dansait avec des sorts anciens. Les travaux de Tesla sur l'énergie résonnaient avec des rituels oubliés. Des diagrammes de macromolécules se transformaient en symboles mystiques.

Magie et science. Science et magie. Le même langage, lu différemment.

Il comprenait tout. Chaque formule. Chaque équation. Chaque sort.

Il leva les yeux vers le ciel nocturne par la fenêtre. Minuit approchait. Le 24 décembre.

« Pardon, maman, » murmura-t-il. « Mais je dois essayer. »

Et il commença à lire à voix haute.

Chapitre 1 : Flashback - Le petit magicien

16 ans plus tôt

Des applaudissements éclatèrent dans le petit salon. Un garçon de sept ans, portant de grands gants blancs trop larges pour ses mains, venait de faire sortir un lapin blanc de son chapeau.

« Bravo ! Encore ! » criaient les autres enfants de la fête d'anniversaire.

Le petit garçon sourit, mais son regard se tourna vers un autre chapeau. Un énorme chapeau bleu qu'il avait fabriqué lui-même, dans un coin de la pièce.

Personne ne le remarqua quand il s'éloigna discrètement.

Dans sa chambre, il s'agenouilla devant le grand chapeau bleu. Il avait sept ans, mais il savait. Il savait que la vraie magie existait. Pas les tours. Pas les illusions. La VRAIE magie.

« Papa, » murmura-t-il en fixant l'intérieur du chapeau. « Papa, s'il te plaît. Reviens. S'il te plaît. »

Il agita sa baguette magique - un simple bâton peint en noir avec une étoile dorée au bout.

Rien.

Il recommença. Encore. Et encore.

« Papa... »

Le coucou sur le mur chanta l'heure. Neuf heures. Comme pour se moquer de lui. Le temps continuait. Sans son papa.

Le petit garçon serra les poings dans ses gants blancs.

« Un jour, » se promit-il en essuyant ses larmes, « un jour, je deviendrai un VRAI magicien. Et je te ferai revenir. Je te le jure. »

Chapitre 2 :  Les reliques

Présent

L'homme - il avait maintenant 23 ans - se tenait dans son grenier. Il n'y était pas monté depuis des années.

Sur une étagère couverte de toiles d'araignée, une carte faite main. Un découpage maladroit, un poème écrit en lettres tremblantes d'enfant : "Bonne Fête Papa".

Il l'arracha d'un geste brusque. Les toiles se déchirèrent.

Non loin, une lettre. Jaunie. Poussiéreuse. Coincée près d'un petit sapin de Noël complètement bancal, maintenu debout uniquement par les fils d'araignées qui le reliaient au mur.

Il l'arracha d'un coup sec. Le plus rapide est toujours le plus efficace.

Le sapin dégringola sur un vieux tapis qui explosa en un nuage de poussière.

L'homme déplia la lettre. L'encre était pâle, mais les mots étaient toujours là :

Mon fils,

Aujourd'hui, un miracle s'est produit. Nous nous sommes mis d'accord pour établir une trêve pour Noël. Nous nous sommes serré la main. J'en profite pour t'écrire et te dire à quel point je t'aime.

Tu seras toujours dans mon cœur. Et je serai toujours auprès de toi. Rien ne pourra jamais nous séparer.

Crois en la magie, mon fils. Elle existe en toi.

Nous nous retrouverons un jour. Je te le promets.

Je t'aime plus que tout.

Papa

Quelques jours après cette lettre, son père était mort. La trêve n'avait pas tenu. Une balle perdue. Un accident stupide dans une guerre stupide.

L'homme serra la lettre contre son cœur.

« Tu as promis, papa. Tu as promis qu'on se retrouverait. »

Il descendit du grenier, la lettre toujours à la main, et retourna à son bureau couvert de livres scientifiques et d'ouvrages de magie.

Le Grimoire l'attendait.

Chapitre 3 :Flashback- La grotte

16 ans plus tôt

Un an après la mort de son père. Le premier Noël sans lui.

Sa mère avait refusé de décorer. Pas de sapin. Pas de guirlandes. Pas de Père Noël.

« La magie n'existe pas, » avait-elle dit d'une voix éteinte. « Noël n'existe pas. Tout ça, ce sont des mensonges. »

Le petit garçon de sept ans avait senti son cœur se briser. Son père était parti. Et maintenant, Noël aussi. L'espoir aussi. La magie aussi.

En larmes, il avait couru dehors dans la neige. Il avait couru sans savoir où il allait, jusqu'à ce qu'il découvre une grotte à la lisière de la forêt.

Il était entré.

Et tout avait changé.

L'obscurité de la grotte s'était transformée en lumière. Pas la lumière du jour qu'il connaissait, mais une lumière dorée, douce, éternelle.

Il avait émergé de l'autre côté sur une plage de sable blanc. Le ciel était d'un bleu éclatant. Il n'y avait pas de soleil visible, et pourtant tout brillait.

« Hé ! » avait crié une voix.

Un autre garçon. À peu près son âge. Des cheveux bruns bouclés. Des yeux pétillants.

« Tu viens jouer ? »

Ils avaient joué pendant ce qui avait semblé trois heures. Construire des châteaux de sable. Courir sur la plage. Rire. Vraiment rire, pour la première fois depuis la mort de son papa.

Le garçon lui avait parlé de choses étranges. D'un endroit où la nuit n'existait pas. Où le temps coulait différemment. Où la magie était réelle.

« Tu devrais rester, » avait dit le garçon. « Reste avec moi dans la grotte. »

Mais le petit garçon avait pensé à sa maman. Seule à la maison. Il avait déjà perdu son père. Il refusait de perdre sa mère également.

« Je dois rentrer, » avait-il dit.

« D'accord, » avait répondu le garçon avec un sourire triste. « Mais reviens quand tu veux. Je serai là. »

Le petit garçon était reparti par la grotte. Quand il était sorti de l'autre côté, sa mère l'attendait dehors avec la police, des voisins, des lampes torches.

« OÙ ÉTAIS-TU ?! » avait-elle hurlé en le serrant dans ses bras. « Trois jours ! Trois jours que tu as disparu ! »

« Trois jours ? » avait murmuré l'enfant, confus. « Mais... je n'étais parti que trois heures... »

Chapitre 4 : La quête

Les années avaient passé.

Le petit garçon était devenu un adolescent, puis un jeune homme. Il n'avait jamais retrouvé la grotte. Il avait cherché, des dizaines de fois, mais elle semblait avoir disparu.

Alors il s'était tourné vers autre chose.

« Si la magie n'existe pas, » s'était-il dit, « alors je trouverai la science qui ressemble à la magie. »

Il avait dévoré des livres. Physique. Chimie. Astronomie. À quinze ans, il comprenait la relativité d'Einstein. À dix-sept ans, il maîtrisait la physique quantique. À dix-neuf ans, il avait son premier doctorat.

Les gens l'appelaient un génie. Lui savait qu'il n'était qu'un garçon qui cherchait désespérément un moyen de ramener son père.

À vingt-deux ans, il était tombé sur deux livres :

Le premier, un ouvrage moldu : "Mythologie et Légendes du Père Noël". Un chapitre entier parlait d'un grimoire légendaire qui donnait le pouvoir de distordre l'Espace et le Temps.

Le second, un livre écrit par un magicien célèbre, qui mentionnait en passant, presque comme une blague : "Le plus grand des magiciens, le Père Noël, possède un grimoire qui lui permet de manipuler le temps comme cela l'enchante. Mais bien sûr, ce n'est qu'une légende... n'est-ce pas ?"

Le jeune homme avait senti son cœur bondir.

Distordre l'Espace et le Temps.

C'était ça. C'était la réponse.

Il avait consacré l'année suivante à chercher ce grimoire. Et il l'avait trouvé.

Chapitre 5 : La bibliothèque

Quelques semaines plus tôt

Le jeune homme marchait dans le parc, plongé dans ses pensées. Ses recherches l'avaient mené à une impasse. Le Grimoire existait, tous les livres en parlaient. Mais où le trouver ?

C'est alors qu'il le vit.

Un lutin. Petit, oreilles pointues, vêtu de vert et rouge. Qui sortait du tronc d'un arbre comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.

Le jeune homme se figea. Le lutin disparut de l'autre côté de l'arbre.

« Impossible, » murmura-t-il.

Il s'approcha du chêne centenaire. L'examina. Un tronc creux, certes, mais pas assez grand pour qu'un lutin y passe. Et pourtant...

Il avança la main vers le creux.

Et son doigt traversa quelque chose. Pas du bois. Pas de l'air. Un fluide invisible, frais, humide, visqueux. Comme une membrane liquide entre deux mondes.

Son cœur battit plus fort. Une porte. Une vraie porte magique.

Il prit une grande inspiration et avança. Pas seulement le doigt cette fois. La main. Le bras. Puis tout son corps.

Le monde bascula.

Il émergea dans un endroit qui lui coupa le souffle.

Une bibliothèque. Mais pas n'importe quelle bibliothèque. Des étagères qui montaient jusqu'à l'infini. Des livres qui flottaient dans les airs. Des échelles qui bougeaient toutes seules. Des couloirs qui semblaient se replier sur eux-mêmes selon une géométrie impossible.

La Bibliothèque du Père Noël, pensa-t-il avec émerveillement. Elle existe vraiment.

Des panneaux flottants indiquaient différentes sections : "Histoires de Noël", "Archives Temporelles", "Registre des Enfants du Monde", "Sortilèges et Sciences"...

Archives. C'était là qu'il devait aller.

Il suivit les panneaux à travers des couloirs labyrinthiques. Personne ne l'arrêta. Personne ne sembla même le remarquer. Quelques lutins passaient, occupés, portant des piles de livres, mais aucun ne lui prêta attention.

C'est étrange, pensa-t-il. Trop facile.

Il arriva devant une immense porte de bronze. Au-dessus, gravé en lettres d'or : "ARCHIVES".

Il poussa. La porte s'ouvrit sans résistance.

À l'intérieur, une créature se dressa devant lui.

Une chimère. Un monstre à trois têtes fusionnées en un seul corps puissant. Une tête de lion au regard féroce, une tête de chèvre aux yeux sages, une tête de serpent à la langue fourchue. Ses yeux - six en tout - brillaient d'une intelligence ancienne.

« QUI OSE ENTRER DANS LES ARCHIVES SANS PERMISSION ? » tonnèrent les trois têtes en même temps.

Le jeune homme déglutit, mais se tint droit. « Je cherche le Grimoire du Père Noël. »

« UNE ÉNIGME, » siffla la tête de serpent. « SI TU RÉPONDS CORRECTEMENT, TU PASSES. SI TU ÉCHOUES... »

Les griffes de la créature raclèrent le sol de pierre.

La tête de lion rugit : « QU'EST-CE QUI A QUATRE PATTES LE MATIN, DEUX À MIDI, ET TROIS LE SOIR ? »

Le jeune homme sourit presque. L'énigme du Sphinx, posée par une Chimère. Une des plus anciennes. Une des premières qu'il avait apprises enfant, en lisant la mythologie grecque avec son père.

« L'Homme, » répondit-il sans hésiter. « Enfant, il marche à quatre pattes. Adulte, sur deux jambes. Vieillard, avec une canne. »

Les trois têtes le fixèrent, visiblement étonnées par la rapidité de sa réponse.

« TU... TU CONNAIS ? » bégaya la tête de chèvre.

« Je connais, » dit simplement le jeune homme.

Les trois têtes échangèrent un regard. Puis, lentement, la créature s'écarta.

« PASSE. »

La salle des archives était circulaire. Vide. À l'exception d'une seule chose.

Au centre exact de la pièce, sur un piédestal, sous une vitrine de verre, se trouvait un livre.

Ancien. Relié de cuir sombre. Des symboles gravés sur la couverture qui brillaient d'une lumière sourde.

Le Grimoire du Père Noël.

Le jeune homme s'approcha lentement.

Aucune alarme. Aucun autre gardien. Juste le livre, là, exposé.

Il toucha la vitrine. Elle n'était même pas verrouillée. Le verre se souleva facilement.

Il tendit la main. Ses doigts effleurèrent le cuir du Grimoire.

C'est trop facile, pensa-t-il encore. Beaucoup trop facile.

Mais il ne pouvait pas s'arrêter maintenant. Il avait passé des années à chercher. Il était si proche.

Il prit le Grimoire.

Rien ne se passa. Pas d'alarme. Pas de piège. Pas de Père Noël surgissant pour l'arrêter.

Juste le silence.

Le jeune homme serra le livre contre sa poitrine et repartit en courant, traversa les couloirs, passa devant les lutins qui ne le regardèrent même pas, retrouva l'arbre, et émergea dans le parc.

Le Grimoire était à lui.

Chapitre 6 : L'ouverture

23 décembre, 23h45

Le jeune homme se tenait devant le Grimoire ouvert.

Les formules étaient claires. Mi-science, mi-magie. Il comprenait chaque mot. Chaque symbole.

Il suffisait de les lire à voix haute. Le 24 décembre à minuit. Quand la porte entre les mondes s'ouvrait naturellement.

Il pourrait élargir cette porte. La forcer à rester ouverte. Accéder au lieu hors du temps.

Ramener son père.

« Pardon, maman, » murmura-t-il encore. « Mais je dois le faire. »

À minuit pile, il commença.

Les mots coulaient de sa bouche. Certains en latin. D'autres dans des langues qu'il ne connaissait pas mais qu'il comprenait intuitivement. Des équations se transformaient en chants. Des formules chimiques devenaient des incantations.

La pièce se mit à trembler.

Dehors, le ciel nocturne se déchira.

Chapitre 7 : Le chaos

Dans le monde des sorciers, les alarmes se déclenchèrent.

« La porte ! La porte a été ouverte hors du temps sacré ! »

Dans le monde des moldus, les scientifiques regardaient leurs instruments avec incrédulité.

« Anomalie gravitationnelle massive ! Le champ magnétique terrestre est en train de... de se tordre ! »

Les deux flux temporels, qui ne devaient JAMAIS se mélanger hors de la nuit sacrée de Noël, commençaient à se chevaucher.

Le temps se déréglait.

Dans certaines villes, les horloges tournaient à l'envers. Dans d'autres, elles s'arrêtaient. Des gens vieillissaient de dix ans en quelques secondes. D'autres rajeunissaient.

L'espace se pliait. Des objets disparaissaient d'un endroit pour réapparaître ailleurs. Le champ magnétique terrestre fluctuait dangereusement.

C'était l'apocalypse.

Chapitre 8 : Les visiteurs

TOC TOC TOC

Le jeune homme, épuisé par le rituel, leva les yeux. Quelqu'un frappait à sa porte. En pleine apocalypse ?

Il ouvrit.

Devant lui se tenaient deux personnes.

La première était un lutin. Petit, oreilles pointues, vêtu de vert et rouge. Il portait une besace remplie d'instruments étranges qui brillaient d'une lueur magique.

La seconde était une femme d'une cinquantaine d'années, en blouse blanche de laboratoire, des lunettes sur le nez, tenant une tablette couverte d'équations.

« Bonjour, jeune homme, » dit le lutin d'un ton étrangement calme pour quelqu'un dont le monde s'effondrait. « Je suis Taquin, conseiller magique. Et voici le Professeur Leblanc, physicienne quantique. »

« Nous sommes ici pour récupérer le Grimoire, » dit la scientifique d'une voix ferme, « avant que vous ne détruisiez les deux mondes. »

Le jeune homme recula. « Non ! Non, vous ne comprenez pas ! J'ai besoin... j'ai besoin de... »

« De ramener votre père, » compléta Taquin doucement. « Nous savons. »

« Comment... »

« Parce que j'étais son mentor, » dit Taquin. « Quand il était jeune sorcier. Avant de renoncer à sa magie pour épouser votre mère. »

Le jeune homme cligna des yeux. « Quoi ? »

La scientifique s'avança. « Et j'étais la directrice de thèse de votre mère. Avant qu'elle ne découvre qu'elle avait du sang magique. Avant qu'elle ne renonce à tout pour vous protéger. »

« Ma... ma mère ? »

Chapitre 9 : Les révélations

« TOC TOC TOC »

Une troisième personne entra dans la pièce, sans même attendre qu'on lui ouvre. C'était une femme d'environ cinquante ans, les cheveux gris, le visage marqué par la fatigue et l'inquiétude.

« Maman ? » murmura le jeune homme.

Elle le regarda avec des yeux remplis de panique et de colère.

« Tu as ouvert ce... ce livre. »

« Je... je devais... »

« Madame, » intervint Taquin doucement. « Votre fils a ouvert le Grimoire du Père Noël. Il a mis les deux mondes en danger. Mais vous devez comprendre... »

« Comprendre QUOI ? » coupa-t-elle sèchement. « Qu'est-ce que c'est que ces absurdités ? Des lutins ? De la magie ? »

Le Professeur Leblanc s'avança. « Madame, je vous connais. Vous étiez ma meilleure étudiante en physique quantique. Mais vous étiez aussi... autre chose. »

« Vous étiez une sorcière, » dit Taquin calmement. « Une très puissante sorcière. »

La mère éclata d'un rire nerveux, presque hystérique.

« Une sorcière ? Une SORCIÈRE ? Vous êtes tous devenus fous ! C'est... c'est un phénomène scientifique inconnu, voilà tout ! Une anomalie gravitationnelle ! Une perturbation du champ magnétique ! »

« Maman... » commença le jeune homme.

« TOI ! » Elle se tourna vers lui, les yeux brillants de larmes et de fureur. « À quoi tu joues ? Tu deviens fou ? Toutes ces années à étudier, à collectionner des livres bizarres, à chercher des... des grimoires ! »

Elle lui arracha presque le livre des mains.

« Grandis un peu ! Ton père est mort ! Il est MORT ! Rien ne le ramènera ! Ni la magie, ni la science, ni... ni rien ! »

Sa voix se brisa.

« La magie n'existe pas, » murmura-t-elle comme une prière. « La magie n'existe pas. La magie n'existe pas. »

Le jeune homme sentit son cœur se serrer. Sa mère. Sa mère qui avait toujours été si rationnelle. Si cartésienne. Qui lui avait toujours dit que la magie n'était que des contes pour enfants.

Et maintenant, ces deux personnes lui disaient qu'elle était une sorcière. Et elle niait. Violemment. Désespérément.

« Madame, » dit le Professeur Leblanc avec une infinie douceur. « Je sais que c'est difficile. Mais regardez autour de vous. Les anomalies. Le chaos. Votre fils n'est pas fou. Il a juste... découvert quelque chose que vous avez essayé d'oublier. »

« Je n'ai rien à oublier ! » cria-t-elle. « Je suis une scientifique ! Une femme rationnelle ! Et mon fils aussi devrait l'être ! »

Elle se tourna vers lui.

« S'il te plaît, » supplia-t-elle. « S'il te plaît, arrête tout ça. Referme ce livre. Oublie toutes ces bêtises. Vis ta vie. Une vie normale. »

Le jeune homme vit les larmes couler sur les joues de sa mère. Elle avait peur. Une peur qu'il ne comprenait pas.

Taquin et le Professeur Leblanc échangèrent un regard.

« Nous devons refermer la porte, » dit Taquin fermement. « Avec ou sans votre aide, Madame. Les deux mondes sont en danger. »

« Faites ce que vous voulez, » murmura la mère, épuisée. « Mais laissez mon fils tranquille. »

Elle sortit de la pièce en courant, incapable d'en supporter davantage.

Chapitre 10 : La collaboration

Pendant les heures qui suivirent, les deux mondes travaillèrent ensemble pour la première fois.

Les sorciers comprenaient la magie mais pas la science. Les moldus comprenaient la science mais pas la magie. Seul le Grimoire contenait les deux langages.

Le jeune homme, déchiré par la culpabilité et le chagrin, traduisait.

« Cette formule magique, » expliquait-il à la scientifique, « c'est en fait une équation de stabilisation du champ gravitationnel. »

« Et cette équation sur les neutrons, » répondait-elle, « c'est un sort de réalignement des flux temporels. »

Taquin et le Professeur Leblanc travaillaient côte à côte. Le lutin lançait des sorts pendant que la scientifique calculait. Elle ajustait des fréquences pendant qu'il harmonisait des énergies.

Lentement, très lentement, les anomalies commencèrent à se résorber.

Les horloges reprirent leur cours normal. Le champ magnétique se stabilisa. Les gens arrêtèrent de vieillir ou rajeunir.

Mais la porte entre les mondes ne se referma pas complètement.

« C'est impossible, » murmura Taquin. « Une fois qu'elle a été ouverte hors du temps sacré... elle ne peut plus revenir à son état d'origine. »

« Le chaos, » dit la mère du jeune homme, « ne peut jamais être complètement effacé. Il faut un chaos pour créer un nouvel équilibre. »

Chapitre 11 : Le nouvel équilibre

Le Professeur Leblanc regarda ses instruments.

« La porte s'ouvre maintenant toutes les... quatre-vingt-dix minutes. »

« Quatre-vingt-dix minutes ? » répéta Taquin, stupéfait.

« Oui. Mais ce ne sont que des ouvertures mineures. Fugaces. Quelques secondes à peine. »

« Assez pour entendre une voix, » murmura la mère du jeune homme. « Sentir une présence. »

« Et le soir de Noël ? » demanda le jeune homme d'une voix tremblante.

Taquin consulta ses instruments magiques.

« Le soir de Noël, la grande porte s'ouvrira toujours. Comme elle l'a toujours fait. »

Le Professeur Leblanc hocha la tête. « Les lectures de mes instruments confirment. Le 24 décembre à minuit, l'ouverture sera complète. »

Le jeune homme regarda le Grimoire.

« Alors... je pourrai... »

« Oui, » dit sa mère doucement. « Une fois par an. Tu pourras y aller. »

Chapitre 12 : La photo

Le jeune homme, épuisé par les événements, monta dans son grenier. La crise était résolue. Le nouvel équilibre établi. Mais quelque chose le tiraillait encore.

Sa mère. Son déni si violent. Sa peur.

Il voulait comprendre.

Il fouilla dans les vieilles malles. Les cartons poussiéreux. Et c'est là qu'il la trouva.

Une photo. Tombée derrière une vieille malle.

Il la ramassa, souffla sur la poussière.

Une photo en noir et blanc. Un petit garçon, peut-être sept ou huit ans. Des cheveux bruns bouclés. Des yeux pétillants. Un grand sourire.

Au dos, une écriture familière : "Moi, à 7 ans. 1943."

L'écriture de son père.

Le jeune homme sentit ses jambes se dérober. Il s'assit par terre, tenant la photo avec des mains tremblantes.

Le garçon de la grotte.

Le garçon avec qui il avait joué sur la plage de sable blanc.

C'était son père.

Enfant.

Dans un lieu hors du temps.

« Mon Dieu, » murmura-t-il.

Des pas dans l'escalier. Sa mère. Elle monta lentement, comme attirée par quelque chose qu'elle ne comprenait pas.

Elle s'arrêta en haut des marches. Vit son fils assis par terre, tenant une photo.

« Qu'est-ce que... » commença-t-elle.

Puis elle vit la photo.

Le petit garçon aux cheveux bouclés. Le sourire espiègle.

Elle porta une main à sa bouche.

« Non, » chuchota-t-elle. « Non, ce n'est pas... »

Mais les images revenaient. Des images qu'elle avait enfouies. Effacées. Bannies.

Elle avait sept ans. Elle fuyait quelque chose. Quelque chose de terrible dans le monde magique. Elle avait trouvé une grotte.

Et dans cette grotte, un petit garçon.

Aux cheveux bouclés. Aux yeux pétillants.

Qui lui avait montré la plage de sable blanc. Le lieu où la nuit n'existait pas. Le passage vers l'autre monde.

« Le monde des innocents, » murmura-t-elle, les larmes aux yeux. « C'est ce qu'il m'avait dit. Le monde où les gens n'avaient pas de pouvoir. Où je pourrais me cacher. Être en sécurité. »

Elle tomba à genoux à côté de son fils.

« C'était lui, » dit-elle d'une voix brisée. « Ton père. Enfant. Je l'ai rencontré dans la grotte. Avant même de savoir qui il deviendrait. »

Le fils et la mère se regardèrent.

Tous les deux avaient joué avec le même petit garçon. Dans le même lieu hors du temps. À seize ans d'écart dans le monde moldu. Mais au même moment dans ce lieu étrange.

Le père. Son père. Son futur mari.

Perdu dans le temps. Rencontrant sa future femme. Rencontrant son futur fils. Sans le savoir.

Une faille temporelle. Un soubresaut. Une jolie incohérence.

La mère tendit la main. Son fils prit sa main dans la sienne.

Ils restèrent ainsi. Côte à côte. Main dans la main. Regardant la photo du petit garçon qui les avait tous les deux sauvés, chacun à leur façon, sans même le savoir.

Rien à expliquer.

Rien à comprendre.

Rien à dire.

Juste la Magie de l'Instant.

La magie agissait. L'âme agissait.

Et dans ce silence complice, tous les souvenirs de la mère revinrent. Doucement. Comme une marée qui monte.

Elle se souvenait. Elle était une sorcière. Elle avait fui. Elle s'était effacé la mémoire pour se protéger. Pour protéger son fils.

Et maintenant, elle comprenait.

La promesse de son mari : "Nous nous retrouverons un jour."

Il l'avait tenue. Pas comme elle l'avait imaginé. Mais il l'avait tenue.

Hors du temps. Dans un lieu impossible. Avec leur fils.

Ils s'étaient retrouvés.

Épilogue : La plage de sable blanc

24 décembre, 23h55

Le jeune homme se tenait devant la grotte. La même qu'il avait trouvée seize ans plus tôt.

Cette fois, il savait où elle était. Il avait toujours su, au fond. Il avait juste eu peur d'y retourner.

À minuit pile, il entra.

La lumière dorée l'enveloppa.

Il émergea sur la plage de sable blanc. Le ciel bleu éclatant. Le jour éternel.

Et là, construisant un château de sable, il le vit.

Le petit garçon aux cheveux bruns bouclés.

Qui leva les yeux et sourit.

« Hé ! Tu es revenu ! »

Le jeune homme sentit quelque chose d'étrange se produire. Son corps devenait plus léger. Plus petit. Il baissa les yeux sur ses mains.

Des mains d'enfant.

Il avait sept ans à nouveau.

Pas par magie. Pas par science. Juste... parce que dans ce lieu hors du temps, il pouvait être ce qu'il devait être.

Il courut vers le garçon - vers son père - et ensemble, ils construisirent des châteaux de sable sous un jour qui ne finirait jamais.

Postface : Le monde d'après

Dans le monde des moldus, les scientifiques avaient remarqué quelque chose d'étrange.

Toutes les quatre-vingt-dix minutes environ, les gens ressentaient une légère fatigue. Un moment entre veille et sommeil. Un instant où l'esprit vagabondait.

Ils appelaient ça des "micro-sommeils". Des moments de rêverie.

Mais ceux qui savaient... ceux qui savaient comprenaient que c'était bien plus que ça.

C'était la porte qui s'ouvrait. Quelques secondes. Juste assez pour entendre un murmure. Sentir une présence. Toucher la magie.

Cela arrivait aussi quand on lisait. Quand on voyageait. Quand on se perdait dans ses pensées.

La magie était là. Elle avait toujours été là. Cachée dans les plis du temps. Dans les moments de rêverie. Dans les histoires qu'on se racontait.

Maintenant, elle était plus accessible. Un peu plus présente.

Les moldus devaient apprendre à la reconnaître. À l'utiliser.

Et ça, c'était une autre paire de manches...

Mais ça c'est une histoire pour un autre jour.

FIN

© Ninie MAYOR 2025